Pauvre noctambule, tu aimes la nuit, le calme de ses rues, le mouvement de ton esprit,
Une fois la lune accrochée tu laisses ton corps et ton cœur souffler, tu écris.
Parfois entre deux notes de musique, tu te perdrais presque dans tes rêves.
Mais toi, à la différence des diurnes, si tu écoutes la mélodie, tu en crèves.
Parfois tu t’assoupis un peu, et dans tes songes naît l’embryon d'un nouveau monde.
Parce que si tu creuses, si tu le peux, tu pourrais faire rentrer du monde dans ta ronde.
Mais le souffle te manque, tu t’asphyxie de l’horreur et de la froideur de leurs cœurs
Comme si leur immobilisme, leur torpeur et leur peurs anéantissait tes valeurs.
Dans ta cave à peine éclairée, tu te perds parfois entre les lignes d’un carnet oublié,
Tu y évoques ces luttes sans victoires et ces heures abîmées, frappées, camées.
Entre deux verres d'alcool, tu parles révolution et non-violence, puis tu élèves ton âme
Pourtant, après une nuit de taule, tu n’aspires qu’à éclater tes ennemis sur le macadam.
Parce que trop de choses te semblent inacceptables quand les vapeurs s’évaporent
Parce que lorsque le soleil se cache, ici ou ailleurs, c’est ton cœur que t’explore.
Parce qu'une fois la pénombre tombée, la vérité devient trop lumineuse.
Parce qu’une fois abandonné, tes poings se ferment et tes joues se creusent.
Pauvre noctambule, tu as si peu les pieds sur terre que tu t’agaces de leur immobilisme
Tu dis que tout est possible, qu’on est en démocratie, et que lutter c’est du civisme.
Mais tu oublies trop vite qu’ici le formatage a fait son affaire dans l’opinion
Et que si nos cœurs sont bruts et scellés, penser par soi-même est en option.
Alors si tu veux changer le monde petit noctambule au cœur lacéré,
Il va falloir prendre ton temps car tu vis dans un champ de mort-nés.
Prend le masque et offre un peu de ton oxygène à ceux qui agonisent,
Ouvre leur les entrailles, opère leur conscience avant qu’ils ne rentrent en crise.
Une armée de révoltés ne se formate pas, chacun est libre de suivre, partir et venir
Ouvre-leur une voie vers un monde où l’espoir n’est pas en train de mourir
Pauvre noctambule, hélas, la nuit s’évapore dans trente secondes
Couche tes mots sur le papier, ces mots hurlés seront nos frondes.